L'histoire de ce soir parlera d'astrologie, d'astronomie, de Sumer et de loterie. Avec plein de digressions fleuries.

 

Depuis quelque temps, j'ai le nez plongé dans différents moments de l'Histoire des mathématiques. Fascinant ! Les débuts notamment.

 

Je ne vais pas rentrer dans le détail du détail, ici et aujourd'hui, mais tout commence sous trois impulsions.

 

1. Compter les choses, désigner plus précisément les nombres, contourner le "beaucoup de cailloux" pour en dire la quantité.

 

2. Décrire les distances et les superficies — d'ici jusqu'au point d'eau ; la taille d'un bosquet.

 

3. Observer le mouvement des astres, pour évaluer l'écoulement du temps (jour, mois, saison, année) et se repérer géographiquement.

 

Je voudrais revenir ce soir sur cette dernière impulsion. L'étude des astres.

 

Alors qu'il y avait des études et des relevés des mouvements des corps célestes, l'Homme des premières civilisations était aussi philosophe.

 

Un philosophe est d'abord un ignorant, un être qui questionne. D'où viens-je ? Qui suis-je ? Où vais-je ? — Comment dois-je me comporter ?

 

Pour "entendre" le monde, l'Homme assied la plus grande part de ses outils sur la Causalité. Si je fais A, alors se produit B.

 

Il dompte certaines de ses peurs en maîtrisant des raisonnements. Certains plus heureux que d'autres.

 

Il établit un lien de corrélation (la causalité du pauvre) entre la présence de feu au campement et l'absence de bêtes sauvages.

 

Il établit également un lien entre la mort d'un congénère et la nécessité d'une sépulture.

 

D'autres liens sont ainsi tissés pour dessiner le filet d'appréhension du monde.

 

Et c'est en tissant et détissant continuellement ce filet que l'Homme s'étend dans l'espace et dans le temps.

 

Tous les fils ne sont pas aussi solides les uns que les autres. Et la Nature n'est pas bête à se faire attraper aisément.

 

Certains fils, à l'allure de kevlar pendant un temps, se désagrègent gaiement à l'arrivée de nouvelles idées.

 

Dompter, comprendre, appréhender, saisir. Dominer ? Voilà ce que l'Homme veut faire de la Nature, dont il s'extrait soit dit en passant.

 

Appréhender. Un joli mot à la polysémie éclairante. Craindre, d'un côté. Saisir, de l'autre.

 

Or l'Homme s'aventure souvent à la lisière de son filet, où les tissages sont incertains… où la capture de la Nature est plus délicate.

 

Si, malgré le feu, des bêtes sauvages continuent de s'approcher, que faire, quand on est arrivé au bout de sa Causalité ?

 

Par ailleurs, plus le filet de la connaissance est grand, plus sa circonférence est grande elle aussi. La circonférence est la frontière.

 

À la frontière de la connaissance, l'ignorance. Plus on sait, plus on ignore. Et entre les mailles du filet, encore de l'ignorance.

 

Et les fils sont eux-même composés d'une ignorance particulière qui, révélée comme telle, s'ensuit de leur délitement. 

 

"Je ne sais qu'une chose, c'est que je ne sais rien." selon Socrate — ni à la frontière, ni entre les fils, ni sur eux.

 

Pourtant on questionne. Pourtant les fils se multiplient et semblent de plus en plus solides. 

 

Et le territoire de l'ignorance croît encore plus vite que le territoire de la connaissance.

 

Alors que faire de ces bêtes qui s'approchent du campement malgré le feu ? Comment appréhender ce phénomène, comment le dompter ?

 

On pourra sacrifier un lapin, peindre un ours sur les parois d'une grotte, ou encore expliquer la colère de la forêt.

 

Comment comprendre la comète qui éclaire le ciel ? Comment prévenir une mauvaise récolte ? Comment attirer le soleil et la pluie ?

 

L'Homme qui a la tête dans les étoiles voudra leur donner un sens. À tous les corps célestes qu'il voit d'ailleurs.

 

Le Soleil, en premier lieu, la Lune, Vénus et tant d'autres suivront. Que nous disent les astres ? Peut-on prévoir leur course ?  

 

Les astres sont-ils ceux qui nous dominent, nous conditionnent, comme nous le pensions par ailleurs de la pluie, du vent et du feu ?

 

Les astres sont-ils le siège de nos dieux ? Peuvent-ils nous révéler les réponses à nos questions philosophiques ?

 

Peuvent-ils nous dire d'où nous venons, qui nous sommes et où nous allons ? Nous indiquer comment nous comporter ?

 

Et nous dire de quoi demain sera fait ?

 

Quand ces questions philosophiques trouvent des réponses en un ou plusieurs dieux, naît un déisme ou un théisme voire une religion.

 

Quand ces questions philosophiques trouvent des réponses en une lecture des astres, naît l'astrologie.

 

Astronomie et astrologie ont longtemps été confondues ou associées en une globale étude/interprétation des astres.

 

L'astronomie est une science, elle consiste à répertorier la quantité et la qualité des astres (origine, composition, mouvement).

 

La science est une discipline qui produit une connaissance selon un mode opératoire fondé sur la reproductivité et la falsifiabilité.

 

La connaissance concernée peut être un inventaire, un ensemble d'observations et mesures ainsi que des lois.

 

La reproductibilité de la science, c'est la propriété d'une loi qui est confirmée par plusieurs expériences réitérées.

 

Exemple de reproductibilité : plonger en apnée plus de 30 minutes est mauvais pour la santé.

 

La preuve, toutes les personnes qui ont essayé sont mortes, donc en piètre santé.

 

Non exemple de reproductibilité : je connais un Martin qui est con. J'observe cependant qu'il existe d'autres Martin, eux, pas cons.

 

Ainsi, l'une des lois est reproductible (apnée/30 min) et l'autre ne l'est pas (Martin).

 

La falsifiabilité (ou réfutabilité) de la science, c'est la capacité d'une loi à être infirmée par une expérience.

 

Exemple de falsifiabilité : si quelqu'un plonge en apnée 30 minutes et ressort en pleine santé, il infirme ma loi.

 

Ce qui est important ici, c'est qu'une déclaration qui n'est pas réfutable n'est pas non plus scientifique.

 

Je peux affirmer qu'avant le Big Bang, il y avait un grand terrain de tennis couleur guimauve, c'est improuvable et irréfutable.

 

Mon affirmation a une valeur intrinsèque, notamment poétique. Mais elle n'est en rien (hélas !) scientifique.

 

Pour autant, personne ne peut prouver le contraire. J'ai le droit d'y croire. C'est déjà pas mal. (Rejoignez mon culte, contact par mail).

 

J'ai également le droit de croire que l'on peut tenir en apnée plus de 30 minutes, et attendre la possibilité de le prouver. #GlouGlou

 

Mais à un instant donné, scientifiquement, on meurt au bout de 30 minutes d'apnée et on ignore ce qu'il y avait avant le Big Bang.

 

Ainsi l'astronomie est-elle une science et permet-elle de produire des lois reproductibles et falsifiables.  

 

Les lois de l'astronomie, comme des sciences en général, évoluent et se précisent à mesure que naissent théories et observations.

 

Ainsi que je le disais plus haut, astronomie et astrologie ont longtemps été pratiquées par les mêmes individus.

 

Du moins, tout astrologue devait être (au moins) un peu astronome. Mais tout astronome n'était pas nécessairement astrologue.

 

La civilisation que l'on considère comme étant la Première de l'humanité est Sumer. Et l'héritage sumérien est absolument considérable.

 

On leur doit notamment l'écriture, les mathématiques et les mois lunaires.

 

Ils utilisaient un système sexagésimal, soit en base 60 —  d'où vient une mesure fondamentale de l'espace et du temps.

 

Ce sont eux qui divisèrent le cercle en 360 degrés (espace) et l'année de 360 jours en 12 mois de 30 jours (avec ajustements).

 

#PourLesPuristes, les Sumériens avaient d'abord divisé l'année en 13 mois mais ce n'était pas très pratique.

 

Plus tard, et toujours en Mésopotamie, les journées seront divisées en 2x12 heures, les heures en 60 minutes, les minutes en 60 secondes.

 

Sumer est une civilisation qui date de plus de 8 millénaires. #Vertige

 

Bon, on leur doit aussi la normalisation du système bicaméral, du système scolaire, du commerce, de la monnaie et de l'esclavage.

 

Déjà chez les Sumériens, un dirigeant puisait son pouvoir dans le divin. #CEstLuiQuiLADit 

 

Le dirigeant était le messager de dieu sur terre un peu comme le roi dans nos monarchies de droit divin.

 

Là où on s'amuse, chez les Sumériens, c'est qu'on est pas encore monothéiste, des dieux, on en a de partout.

 

Il y a les trois grands dieux, celui du ciel, celui de l'air et celui de la terre.

 

Et une quantité de dieux, tout à fait hiérarchisés, situés plus bas dans l'échelle du divin.

 

Il y a les dieux du Soleil et de la Lune, ceux de la guerre et des enfers, ceux de la Nature et des soins, puis, mes préférés.

 

Mes dieux sumériens préférés sont ceux des instruments. Dieu de la pioche, dieu de la cruche, de la pelle à tarte… #YEnAPourTousLesGoûts

 

Et le souverain était le dépositaire de ces dieux-là, tous ces dieux mais des trois grands en particulier. Ciel, Air et Terre.

 

Et qui regarde dans le ciel ? Les astro-nomes/logues. 

 

Ils sont capables de décrire voire prédire certains mouvements (astronomie) et d'en tirer des interprétations (astrologie).

 

Et déjà les souverains consultaient les astro-nomes/logues selon un modèle proche du paradigme Mitterrand-Tessier.

 

Il y a bien une confusion entre les activités d'astronomie et d'astrologie. Une confusion quadruple.

 

1. Toutes deux concernent l'observation des corps célestes. 2. Toutes deux appellent l'intérêt du souverain.

 

3.  Toutes deux se veulent descriptives et prédictives. 4. Toutes deux appellent à considérer notre place dans le monde.

 

On notera quelques différences cependant. 

 

L'une d'elle peut prédire précisément quand passera la comète de Halley pendant tout le troisième millénaire (prochain passage en 2061).

 

L'autre peut vous recommander de ne pas faire de blanquette de veau si vous invitez Mireille à dîner un mardi.

 

Voilà pour la différence "scientifique" - où en un mot comme en mille, l'astronomie est une science et l'astrologie n'en est pas une.

 

Pour autant, l'astrologie — qui rivalise d'ancienneté avec l'astronomie — a su se rendre très technique.

 

Cette technicité lui confère un point commun avec les sciences. Et avec un peu d'ambiguïté, on peut tenter de la faire passer pour telle.

 

Remettre en question l'astrologie, c'est comme refuser un pétard, à chaque fois que ça te plaît pas on te dit de réessayer avec de la bonne.

 

Selon cette logique, tout astro-sceptique devrait passer sa vie avec des astrologues. #IdemPourLesPétards

 

Quand ce n'est pas du drap technique de l'astronomie que se couvre l'astrologie, c'est de celui de la philosophie.

 

Et les astrologues n'étaient pas toujours de mauvaise foi, ni même idiots.

 

En fait, bien des astronomes, ressentant le #Vertige des immensités abordées sont passés du côté obscur.

 

Et je parle là de savants parmi les plus grands penseurs de leur temps. 

 

Or l'intelligence n'est souvent que cette substance qui permet de commettre des erreurs plus compliquées et mieux justifiées.

 

Aujourd'hui, rarissimes sont les grands scientifiques qui se laissent aller à l'astrologie. 

 

Toutefois on observera des sursauts de foi religieuse chez certains et on appellera "particule-dieu" le boson de Higgs.

 

Pour en revenir à l'astrologie, je disais qu'elle était souvent enrobée d'idées philosophiques, et certaines très astucieuses.

 

La plus intéressante à mes yeux se résume en trois mots : Tout est lié.

 

Eh oui, déjà quand on s'intéressait au feu du campement qui éloigne les bêtes, on embrassait des idées de causalité.

 

Avec la causalité, on peut dire qu'un évènement est la conséquence d'autres évènements passés et la cause d'évènements suivants.

 

Et si on met tout ce petit monde ensemble, le tout d'avant produit le tout de maintenant qui engendrera le tout de demain.

 

Saupoudrons tout cela d'effet papillon et on a un beau et intelligent "Tout est lié." #PersoJAdoreLeToutEstLié

 

L'effet papillon est une façon imagée de se demander dans quelle mesure des évènements mineurs influent sur des évènements majeurs.

 

Lorenz demandait narquoisement si le battement d'ailes d'un papillon au Brésil pouvait provoquer une tornade au Texas. #EffetPapillon

 

D'un côté Lorenz considérait l'évènement Tornade comme ayant une grande quantité de causes (si ce n'est toutes). #Chaos #Déterminisme

 

De l'autre il soulevait la distinction entre ce qui est déterminé (C'est écrit #Mektoub) et déterminable (C'est prévisible).

 

Ainsi, si un battement d'ailes intervient marginalement dans la provocation d'une tornade, elle devient relativement imprévisible.

 

Pour un astrologue, l'idée du Tout est lié, c'est du pain béni (si vous me passez l'expression). Car son propos est précisément le lien.

 

L'astrologie se voit comme la science du lien entre les évènements célestes et les évènements terrestres. #Mektoub

 

Donc l'astrologue pourra s'émouvoir devant le sceptique et lui demander "Crois-tu donc que tout n'est pas lié ?" #FormulationInterroNégative 

 

"Si une tornade dépend d'un battement d'ailes, crois-tu que tu ne dépends pas de [insérer astre ou constellation ici] ? Inconscient !"

 

Mais l'astrologue commet alors mille erreurs que le sceptique ou le païen inexpérimenté n'identifie pas.

 

Comme dans bien des procédés fallacieux, en rhétorique ou en logique, le faux est un gros cul moulé dans le jean stretch du vrai.

 

"3 millions de chômeurs, 3 millions d'immigrés en trop." Campagne FN des législatives en 1978. #ProcédéFallacieux1

 

"500 000 chômeurs, 400 000 juifs, la solution est simple." Propagande nazie en 1931. #ProcédéFallacieux2

 

Ainsi convient-il de décortiquer les erreurs logiques de l'astrologue, à commencer par la première.

 

On peut accepter que tout est lié et considérer que tu n'as aucune idée de comment tout est lié.

 

Oui, quand Mars est comme ceci ou quand la constellation du Serpentaire est comme cela, cela exerce une influence sur moi.

 

Cela exerce une influence sur moi et sur le cours de bourse des pékinois nains unijambistes ainsi que sur la météo au Botswana.

 

Oui, car tout est lié.

 

En revanche, je prétends deux choses.

 

1. L'influence, comparée relativement aux autres facteurs, de Mars sur ma vie est quasiment nulle. #Papillon

 

2. L'astrologie ne permet même pas de s'approcher de l'évaluation de cette incidence quasiment nulle. #ToutPititPapillon

 

Une fois qu'on a dit cela, et c'est largement suffisant, on peut quand même s'amuser. Alors amusons-nous.

 

L'astrologie s'intéresse tout particulièrement aux coordonnées spatio-temporelles de la naissance. #ÇaALAirScientifique

 

En gros, où que t'es né et pis quand que t'es né.

 

Outre le fait que ça tripote joyeusement la fibre narcissique de nous autres humains, ce choix apparaît comme tout à fait arbitraire.

 

Pourquoi le jour et le lieu de naissance ? À quelques secondes d'écart, deux personnes auront des signes différents. en vertu de quoi ?

 

Est-ce qu'elles seront exposées à des rayonnements cosmiques si différents ? soumises à des influences si différentes ? #ToutPitiPapillon

 

J'ai une contre-proposition à formuler, avec un fondement biologique : donner des signes en fonction du jour de conception. #GrosPapillon

 

Le moment de la conception est crucial dans la détermination d'un individu, et ce pour une seule raison : il pourrait ne pas être.

 

Scénario : un homme et une femme, dans un lit (c'est hyper classique, je sais), pénétration pendant la période d'ovulation.

 

L'homme s'apprête à envoyer (propose) une armée de spermatozoïdes à la conquête de l'ovule (dispose). Il n'y aura qu'un seul conquérant.

 

L'armée est constituée d'environ 50 millions de spermatozoïdes, 49 999 999 mourront. #MusiqueDramatique

 

Au moment de la conception, tout est possible, cela peut être la gloire du numéro 813 424 ou du 17 #NoirImpairEtManque 

 

À ce moment capital, il y a 50 millions d'individus possibles. (Pour plus de simplicité, on ne s'intéressera pas ici aux jumeaux.)

 

50 millions d'êtres possibles… qui dépendent d'une acidité utérine ici, d'un testicule caressé trop tôt là ou d'un Je t'aime.

 

50 millions. Au loto, on a environ une chance sur 14 millions de gagner. Ici, une chance sur 50 millions d'exister.

 

Et si vous êtes là pour lire ces mots, c'est que vous avez déjà gagné.

 

Au moment de la conception, il aurait suffi d’un rien pour que vous ne soyez pas voire pour qu’un autre soit (à votre place). Un rien.

 

Il y aurait eu (à votre place) un autre individu, avec un autre patrimoine génétique, un autre... mais ce fut vous.

 

Une chance sur 50 millions. Ce fut vous. Si les astrologues en maîtrisaient le tiers, ils joueraient au loto ! Or ils font payer les consultations ;p

 

Je n'ai, pour ma part, plus rien à dire d'intelligent sur l'astrologie, ma dernière hypothèse m'amusait plus qu'autre chose. #Facétieux

 

Mais juste avant de clore mon propos, je voudrais répondre à un argument qui m'a récemment été opposé.

 

"L'observation du ciel et des signes est à l'origine de nombreuses civilisations." m'a-t-on dit. Et c'est vrai.

 

Pour autant, dès que l'homme a cessé d'être nomade, l'esclavage est né. Cela ne le légitime pas. Si ?

 

La raison consistant à expliquer "On a toujours fait comme ça." me surprend toujours. Et pourtant, je le sais, elle a de l'avenir.

 

"On a toujours fait comme ça." et "C'était mieux avant." : les mamelles de la stagnation civilisationnelle et de la déception individuelle.

 

Mais c'est aussi la richesse et la saveur de la tradition. 

 

En conclusion, je retiens essentiellement que tirer des plans sur la comète amène irrémédiablement le désastre au logis. #Prophétie

 

C'étaient les mini-chroniques de l'astro-nomie/logie, des mathématiques, des Sumériens et de la loterie. Merci de les avoir suivies.

 

PS Dédicace spéciale de ces mini-chroniques à tous mes amis Capricorne.